Au Brésil, une production à grande échelle de miel bio (2/2)

Suite de la première partie

Acaripe

La floraison du cipó-uva, dans le parc national d’Araripe, au mois d’août, après la fin des floraisons du littoral, à l’époque ou le sertão est très sec, et où les abeilles africaines sauvages (y compris celles qui ont abandonné leurs ruches pour essaimer) se rassemblent dans la zone, attire énormément d’apiculteurs : 120.000 ruches lors de la dernière campagne en 2004 ! Cette concentration n’a permis d’obtenir que 8 à 10 kg par ruche en moyenne, un chiffre très décevant par rapport aux années précédentes.

Les mielleries

Les installations de Cearapi en Araripe offrent aux apiculteurs transhumants, qui font la queue pour décharger leurs hausses, un « service complet » avec installations d’accueil (douches, dortoirs, cantine, etc.).

Visite de contrôle d\’un rucher © Cearapi

Dans les zones peuplées, l’entreprise a encouragé la création de petites mielleries par les particuliers, les associations ou les coopératives mais Silvia Cañas décrit les installations centrales de Crato. Le miel apporté dans les hausses par les apiculteurs transite par diverses zones bien distinctes. Après l’accueil où se fait l’enregistrement administratif, on change d’univers : zones de nettoyage des arrivages, de préparation du miel entrant, zone d’extraction, laboratoire de contrôle et préparation du produit fini. Le miel arrive à l’usine en général en fûts inoxydables de 300 litres, parfois en bidons de plastique alimentaire de 25kg fournis par la coopérative, et subit un premier contrôle du récipient puis un contrôle organoleptique simple : vérification du goût, de la propreté, de l’aspect (cristallisé ou non) et de l’origine florale. Il va passer ensuite quelques jours dans une miellerie climatisée (la chaleur extérieure est en moyenne de 28°C) pour être ensuite affecté à un lot d’homogénéisation. On vérifie couleur, acidité, teneur en eau et en HMF (l’hydroxyméthylfurfural provient de la dégradation du fructose en milieu acide, trop d’HMF dénonce un miel vieilli ou chauffé), cohérence avec les renseignements enregistrés à l’accueil. Les techniciens en charge du labo vont alors affecter le lot reçu à un lot d’homogénéisation, ce qui permettra de maintenir des normes de qualité homogènes pour la vente, ainsi qu’une traçabilité du produit vendu. Le bac d’homogénéisation a une capacité de 1800 kg. Les miels cristallisés passeront d’abord par une chambre de chaleur contrôlée à 37°c (maximum autorisé pour la certification). De ce premier homogénéisateur, ils passeront dans une pompe à deux décanteurs mitigeurs de 8 tonnes chacun pour un lot final total de 15à 16 tonnes.. (une nouvelle usine en projet prévoit le même système mélangeur avec deux énormes décanteurs de 22 tonnes chacun). Le lot final sera conservé dans une zone à 17-18°C. On prélève trois échantillons de chaque lot, un pour le client, un pour les services vétérinaires et un dernier qui sera congelé et mis réserve pour l’entreprise durant 24 mois avec un échantillon de chacun des lots constituants avec les indications d’origine et de producteur enregistrées à l’arrivée.

© Cearapi

L’entreprise n’a pas terminé son évolution. Elle produit encore des miels non écologiques, avec les apiculteurs encore en période de conversion. L’Institut biodynamique, qui reçoit et contrôle toutes les données des traitements autorise cette cohabitation à la seule condition de laver l’intégralité des matériels et équipements à l’eau très chaude (pratiquement bouillante) sous pression après chaque travail concernant des miels non écologiques. L’ensemble des opérations est enregistré, suivi et contrôlé par divers programmes informatiques.

L’unité mobile d’extraction

Notez les gants et les scaphandres Rucher d\’AMA © Cearapi

L’unité d’Araripe n’est pas seule, d’autres petites unités existent. L’entreprise elle-même possède un total de 8 centrifugeuses, 4 de 98 cadres et 4 de 48 cadres. Cereapi a même créé une « unité mobile d’extraction » qui se déplace dans les zones de transhumance ou celles dans lesquelles les apiculteurs n’ont pas encore toutes les installations nécessaires pour pouvoir extraire le miel dans des conditions hygiéniques suffisantes. L’unité comprend un grand bac à désoperculer, deux extracteurs de 60 cadres chacun, deux décanteurs de 1125 kg chacun. Le tout est monté sur un solide camion équipé de revêtements lavables en inox et PVC, aux fenêtres avec moustiquaires, deux petites salles climatisées, un point d’eau et un groupe électrogène suffisant pour une journée de travail ; l’unité mobile est passée elle aussi par un contrôle de certification de l’IBD et des Services vétérinaires. Toujours accompagnée d’un responsable de l’entreprise, l’unité mobile sert également d’image de marque et d’outil de conscientisation aux apiculteurs qui seront invités à la visiter voire à y travailler après douche et habillage d’une tenue spéciale. L’unité peut extraire 6 tonnes de miel en 24h.

Sélection et amélioration de l’abeille mellifère africanisée (AMA)

C’est le dernier objectif de l’entreprise. La résistance aux maladies de l’abeille mellifère africanisée est l’un des points permettant l’existence de ce miel écologique. Il est donc intéressant de la maintenir et de l’améliorer. Mais 3 ans d’expérimentations ont montré une grande variabilité génétique et de grandes différences de production. Le programme de sélection concerne 300 ruches, choisies par les apiculteurs eux-mêmes parmi les 30 000 associées de Cearapi. Les deux principaux critères de sélection sont la productivité et l’hygiène dans les ruches, qui va de pair avec une meilleure résistance à Varroa. Il faudra au moins 2 à 3 ans pour avoir des résultats concrets, c’est-à-dire la sélection d’une abeille performante stable. La démarche suivante sera la fourniture de reines sélectionnées aux apiculteurs associés.

Simonpierre DELORME

 

Cet article a été publié dans le N°663 de juillet-août 2005 d’Abeilles & fleurs à partir d’un reportage du N° 128 de novembre-décembre 2004 de Vida apicola

Compléments : Un miel est dit « bio » si sont assurées
1) la qualité de l’environnement :
Les abeilles butinent sur des zones sauvages (ou des zones exclusivement en agriculture biologique) sur un rayon d’au moins 3 km.
Les ruches sont placées à une distance suffisante (9km ?) de toute activité non agricole pouvant entraîner une contamination : autoroute, zone industrielle, décharge, incinérateur, etc.
2) la qualité des traitements appliqués aux ruches :
Aucun produit chimique, aucun antibiotique, aucun acaricide de synthèse ne doit être utilisé au cours des différents stades de fabrication du miel.
3) la qualité des outils et méthodes de transformation et de stockage :
L’extraction du miel se fait à froid. Le miel n’est jamais chauffé, ce qui en détruirait les enzymes.

On trouvera un résumé moins succinct de la réglementation sous :
www.beekeeping.com/
et les textes réglementaires complets du 19 juillet 1999 en anglais sous :
eur-lex.europa.eu/

Le site de l’entreprise Cearapi est sous : www.cearapi.com.br/

N.B. A côté de cette description d’une entreprise créée pratiquement ex nihilo pour des objectifs bien précis et dans une stratégie longuement mûrie, avec intégration verticale et multiplication des sources, on lira avec intérêt l’article de Gilles Fert qui s’intitule “le Nicaragua et son miel bio” sur la “galerie virtuelle apicole.” A l’inverse du Brésil, et surtout du Nordeste, le Nicaragua est un pays dans lequel apiculture et méliponiculture sont anciennes et enracinées, ce qui ne veut pas dire que les choses soient plus simples pour le développement de ces activités.