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C’EST L’HEREDITE DU PERE QUI FAIT LA DANSEUSE

Photo ci-dessus : © www.heise.de/foto (Viktor)

Les danses constituent un des codes de communication les plus élaborés qui soient. La butineuse peut, par le mouvement de sa danse, par les vibrations et par les sons qui l’accompagnent, donner rapidement les renseignements utiles pour retrouver les sources de nourriture disponibles et accélérer l’enthousiasme de ses camarades (ou au contraire le ralentir lorsque la source s’épuisera). C’est un atout pour s’adapter à toutes les nouvelles zones que l’homme lui a réservés et lui réserve encore.
La division du travail dans une colonie est aussi peut-être un atout. Dans une colonie d’abeilles, à un moment donné, chaque élément est spécialiste de telle ou telle tâche, depuis la ponte (la reine), jusqu’à la collecte de propolis, voire aux tâches des exploratrices qui feront ensuite les danses des butineuses (danses en rond pour un butin proche, danse frétillante si le butin est à plus de 100 m).
Or certaines butineuses maîtrisent parfaitement ce type de communication tandis que d’autres sont visiblement moins douées…

Le groupe de biologie de l’Université de Bochum dans la Ruhr, que dirige Wolfgang Kirchner, étudie depuis longtemps le comportement et la communication avec les abeilles. Ils ont découvert que la spécialisation s’étendait même partiellement aux danses !
Certes les butineuses doivent effectuer plusieurs types de danses, mais celles qui sont douées pour un type de danse, le seront moins pour un autre. Le plus fort est que ce « don » est héréditaire !
En effet, dans une ruche, toutes les ouvrières ont la même mère mais elles peuvent avoir un père différent. A tout moment il y aura des vraies sœurs et d’autres qui ne seront que des demi-sœurs.

Des danses différentes en fonction de l’orientation et de la distance du butin

Dans la colonie étudiée par l’équipe de Wolfgang Kirchner, on a examiné l’hérédité des danseuses après avoir « noté » la fréquence avec laquelle chacune pratiquait telle ou telle danse. Le résultat est très étonnant ! Les 17 groupes de « vraies » sœurs ont été notés et rangés en fonction de leur « assiduité » à chaque type de danse. Les deux courbes résultantes sont parfaitement symétriques : la première range les groupes (chacun d’un père bien défini) en fonction de leur assiduité à la danse frétillante (danse en huit). Mais moins les butineuses d’un groupe utilisent la danse frétillante, plus elles s’avèrent pratiquer la danse en rond ! Moins les groupes font A, plus elles feront B ! et inversement. L’histogramme obtenu avec la seconde fréquence pour chaque groupe s’organise symétriquement par rapport au premier.

Pour l’équipe de Wolfgang Kirchner, cela montre l’importance de l’héritage du père. Selon qui est son père, une butineuse se retrouvera plus ou moins « spécialisée » dans telle ou telle danse, plus ou moins assidue a deux codes de communication voisins mais différents.

Si ce n’est pas un héritage génétique, il faudrait alors supposer que les vraies fratries peuvent se reconnaître et se regrouper à l’intérieur de la colonie pour y pratiquer ensuite une sorte de népotisme dans certaines activités ! Impossible ! dit Kirchner. Comment feraient-elles ?

Simonpierre DELORME   ()

 

Source :

Recension parue dans la revue Abeilles & Fleurs N°663 (Juillet/Août 2005)