My name is Beetle, James Beetle (2/2)

Nous avons déjà parlé, dans un précédent article (My name is Butterfly, James Butterfly) des agences étatsuniennes de défense et de leurs relations quelque peu ambiguës avec les insectes.

Les laboratoires de BAF Systems s’étaient déjà acquis la collaboration de plusieurs universités pour un ambitieux projet de miniaturisation de drones simulant des insectes. Il s’agit de développer des robots qui auront l’apparence, le comportement et la taille d’insectes réels, mouches, araignées, libellules. On a déjà fait voler un prototype : une grosse mouche de 30mm d’envergure dont les ailes battent à 110 battements par seconde et qui imite de façon très précise les mouvements d’une vraie mouche, mais qui ne ressemble pas vraiment à une mouche.
Ces robots seront fabriqués en quantité, dotés de batteries et d’une intelligence artificielle. Ils devront pouvoir évoluer en groupe ou en totale autonomie, trouver leur propre chemin vers les positions où on les envoie, y recueillir des informations, enfin les transmettre (aux soldats mais également entre eux pour complémenter le travail de chacun, celui qui sert de micro volant travaillant avec celui qui prend la micro-vidéo et celui qui analyse l’air, par exemple).
Les armées de micro-drones ainsi réalisées devraient servir d’abord à la garde et à la défense des immenses bases militaires étatsuniennes dans le monde, mais aussi aux reconnaissances sur le terrain. Dans le civil, elles pourront aussi se voir confier des missions de prospection ou de recherche.
Accessoirement, notre connaissance des insectes, de leur morphologie et de leur fonctionnement va évidemment progresser puisqu’il s’agit plus ou moins de les mieux étudier afin de les mieux copier. Cela dit, le poids réel du prototype (28g pour l’instant, en décembre 2009) est sensiblement supérieur à celui d’une vraie mouche. Heureusement, il est d’autres voies de recherche.
La DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency), l’organisme central de recherche et de développement du département d’Etat (ministère) de la Défense étatsunienne est une agence qui ne rejette a priori aucune idée que d’autres trouveraient folle, tant que cette idée peut faire avancer la recherche et le développement des futures armes étatsuniennes.
La DARPA est une grande développeuse de robots mais elle a choisi ici une autre voie : le projet HI-MEMS (Hybrid Insects – Micro Electro Mechanical Systems). Ce projet, lancé en 2006, veut utiliser de vrais insectes et non des robots. Dès les premières étapes de la métamorphose, on insère et on place, dans la larve ou la chenille, une micro-batterie, un contrôleur, des simulateurs dans le cerveau ou dans les muscles.
Dans les stades ultérieurs, les tissus se cicatriseront, se renouvelleront, se développeront autour des systèmes, et créeront ainsi un interface machine-tissus solide et fiable. Les micro-systèmes seront alors partie intégrée de l’insecte parfait à l’issue de sa métamorphose en imago.
La première phase du projet HI-MEMS consiste à contrôler à distance la locomotion de l’insecte, de façon à pouvoir, au coup par coup et en fonction des besoins, modifier ou commander sa trajectoire et certaines de ses réactions. Il y a quelques mois dans cette revue de presse, dans l’article intitulé “My name is Butterfly, James Biutterfly“, nous avions parlé des premiers essais de direction d’insectes, au départ avec des connexions filaires envoyant des impulsions électriques dans le cerveau d’une mite, ensuite avec des transmissions radio vers les posées dans le cerveau d’un hanneton.
On peut ainsi, en lançant des stimuli vers les muscles ou le cerveau, inciter au décollage, faire changer de direction de vol, voire faire tourner par stimulation asymétrique des muscles des ailes, faire changer d’altitude en faisant changer la fréquence des battements d’ailes.
On en voit la démonstration sur la vidéo de Reuters qui suit : “Cyborg beetle flies by wireless

Le programme de recherches est dirigé par le Professeur Jack W. Judy, un universitaire au palmarès impressionnant. Son premier but est de trouver pour les insectes “l’équivalent de ce que furent l’invention de la selle ou des étriers pour le cheval.” Il va falloir pouvoir obtenir des trajectoires à l’aide de coordonnées GPS ou en utilisant des commandes à distance par signaux optiques, ultrasons ou radio-fréquences. Pour commander directement le déplacement, on testera toute une batterie d’outils : excitations musculaires électriques, stimulations électriques des neurones, projections d’ultra-sons semblables à ceux des chauves-souris, projections de phéromones, stimulations électromécaniques des cellules sensitives, voire signaux optiques présentés directement par des micro-optiques.
Ainsi bien tenu en laisse, l’insecte cyborg pourra alors aller là où on l’enverra chercher des informations, en promenant, selon les besoins et les possibilités, caméras microscopiques, senseurs à gaz, microphones, etc.
Le projet a pourtant un véritable talon d’Achille : les piles ! On n’a pas encore développé de micro-batteries suffisamment durables pour que l’insecte reste assez longtemps sous contrôle et que l’affaire en vaille vraiment la peine. Mais la DARPA saura se donner les moyens et les recherches dans ce sens avancent parallèlement.

Simonpierre DELORME   ()

Paru dans Abeilles & fleurs N° 711 de décembre 2009.